1. Pourquoi la distribution sélective est essentielle pour les marques de luxe
Dans l’univers du luxe et de la beauté, l’image de marque est indissociable du contrôle de la distribution.
Les Maisons souhaitent garantir que leurs produits soient commercialisés dans des points de vente correspondant à leur positionnement haut de gamme, qu’il s’agisse de boutiques physiques, de grands magasins ou de plateformes en ligne soigneusement sélectionnées.
La distribution sélective permet ainsi de :
- Maintenir une cohérence d’image et d’expérience client,
- Préserver la valeur perçue du produit,
- Éviter les ventes non autorisées ou les importations parallèles qui nuisent à l’exclusivité de la marque.
Mais ce modèle doit être soigneusement encadré pour respecter le droit de la concurrence européen et national.
2. Le cadre juridique : l’article 101 TFUE et l’arrêt Coty
La distribution sélective n’est pas interdite en soi par le droit européen.
Elle est encadrée par l’article 101, paragraphe 1, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), qui prohibe les accords restreignant la concurrence, sauf s’ils remplissent les conditions de l’article 101, paragraphe 3, ou s’ils bénéficient de l’exemption par catégorie prévue par le Règlement (UE) 2022/720 sur les accords verticaux (VBER).
L’arrêt de référence en matière de distribution sélective est notamment celui rendu dans l’affaire Coty Germany GmbH / Parfümerie Akzente GmbH (CJUE, 6 décembre 2017, C-230/16).
La Cour de justice a jugé que :
- Un système de distribution sélective destiné à préserver l’image de luxe d’un produit est conforme au droit de la concurrence,
- Les critères de sélection doivent être objectifs, proportionnés et appliqués de manière uniforme,
- Le dispositif ne doit pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour protéger l’image de marque.
Cet arrêt a conforté juridiquement les maisons de luxe dans leur stratégie de maîtrise du réseau.
3. Les conditions de validité d’un réseau de distribution sélective
Pour être conforme à l’article 101 TFUE ou bénéficier de l’exemption du Règlement (UE) 2022/720 sur les accords verticaux (VBER), un réseau de distribution sélective doit remplir trois conditions cumulatives :
Condition juridique | Explication | Exemple concret |
Critères objectifs de sélection | Basés sur des standards professionnels ou qualitatifs | Exiger une formation spécifique ou un aménagement du point de vente |
Application uniforme | Identiques pour tous les revendeurs potentiels | Même exigence pour chaque candidat agréé |
Proportionnalité | Ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire | Limiter les ventes en ligne aux sites autorisés, sans les interdire totalement |
Le cas des ventes en ligne :
Le règlement VBER et les Lignes directrices sur les restrictions verticales (2022/C 248/01) permettent aux marques de luxe structurées en réseau de distribution sélective de restreindre la vente sur des marketplaces non agréées (Amazon, eBay, etc.), tant qu’elles n’interdisent pas totalement la vente en ligne.
4. Bonnes pratiques pour les marques de luxe et de beauté
Pour structurer un réseau conforme au droit de la concurrence :
✅ Définir des critères qualitatifs précis (formation, aménagement, expérience client) avec une grille d’évaluation concrète pour évaluer la conformité de chaque distributeur
✅ Les appliquer de manière uniforme et transparente.
✅ Encadrer les ventes en ligne (site propre, plateformes autorisées).
✅ Rédiger des clauses de résiliation équilibrées pour éviter les litiges, notamment relative à la rupture brutale des relations commerciales établies [faire lien avec article 2]
5. À retenir
La distribution sélective demeure un outil stratégique majeur pour les marques de luxe et de beauté.
Correctement structurée, elle permet de préserver la valeur de la marque tout en respectant le droit de la concurrence.
L’arrêt Coty et le règlement VBER (UE) 2022/720 offrent aux entreprises un cadre clair pour concilier protection de l’image et sécurité juridique.
En résumé : La distribution sélective n’est pas une restriction de concurrence lorsqu’elle vise à protéger l’identité d’une marque — mais une application incohérente ou discriminatoire peut la rendre illégale.
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