POINT ACTUALITES – Sanctions récentes dans le secteur du luxe : pratiques anticoncurrentielles et manquements en matière de lutte anti-blanchiment

Le secteur du luxe est dans le viseur des autorités européennes et françaises. Deux décisions récentes sanctionnant des pratiques anticoncurrentielles et des pratiques de blanchiment viennent rappeler l’importance du respect du droit de la concurrence et des obligations en matière de lutte anti-fraude.
Ces affaires concernent, d’une part, les pratiques anticoncurrentielles de Gucci, Loewe et Chloé, et d’autre part, les manquements AML d’un distributeur de joaillerie haut de gamme.

1. Pratiques anticoncurrentielles : sanctions contre Gucci, Loewe et Chloé (Commission européenne – octobre 2025)

 Les infractions constatées

La Commission européenne a sanctionné trois grandes Maisons du luxe — Gucci (groupe KERING), Chloé (groupe Richemont) et Loewe (groupe LVMH) — pour des pratiques anticoncurrentielles à l’égard de leurs distributeurs, physiques comme digitaux.
Les infractions reprochées incluent :

  • L’imposition de prix de revente, via la communication de prix de vente « recommandés » et leur contrôle strict par les marques ;
  • La limitation des remises, voire leur interdiction dans certains cas ;
  • L’imposition de périodes promotionnelles fixées par les marques.

👉 En d’autres termes, ces maisons ont tenté d’aligner les prix pratiqués par leurs détaillants sur ceux de leurs propres canaux de vente directe, restreignant ainsi la liberté commerciale de leurs distributeurs.

La durée des pratiques

Ces pratiques, actives pendant plusieurs années, ont cessé après les inspections de la Commission menées en avril 2023.
Les enquêtes ont mis en lumière un système de contrôle des politiques tarifaires contraire au droit de la concurrence européen.

Les sanctions prononcées

Les sanctions prononcées s’élèvent à un total de 157 millions d’euros, répartis comme suit :

  • Gucci : 119 674 000 €
  • Chloé : 19 690 000 €
  • Loewe : 18 009 000 €

Chaque maison a toutefois bénéficié d’une réduction d’amende pour sa coopération avec la Commission.
Gucci a permis de révéler une infraction jusque-là inconnue, tandis que Loewe a contribué à étendre la période d’infraction analysée.

Enseignements pratiques pour les marques de luxe

  • Le positionnement prix et le contrôle de l’image de marque ne peuvent justifier une atteinte à la liberté commerciale des distributeurs.
  • Un audit régulier des pratiques commerciales est indispensable pour prévenir les risques de sanction.
  • En cas d’enquête, coopérer avec les autorités reste la meilleure stratégie : la transparence est souvent récompensée.

 

2. Manquements en matière de lutte anti-blanchiment (DGCCRF – Commission nationale des sanctions – juin 2025)

Les faits reprochés

Un distributeur multi-marques français de bijoux et joaillerie de luxe a été sanctionné pour de graves manquements à ses obligations en matière de lutte contre le blanchiment d’argent (AML).
Les infractions incluent notamment :

  • L’absence d’identification des clients ;
  • Le défaut de mesures de vigilance renforcée vis-à-vis de la clientèle étrangère ou politiquement exposée ;
  • L’acceptation de paiements en espèces très élevés (jusqu’à 300 000 € sur une seule transaction) sans contrôle complémentaire.

Les sanctions prononcées

Les mesures décidées par la Commission nationale des sanctions visent à la fois la société et ses dirigeants :

  • Amendes globales de 240 000 € ;
  • Interdiction temporaire d’activité de 12 mois (avec sursis) ;
  • Blâme à l’encontre du directeur administratif et financier (DAF) ;
  • Publication anonyme de la sanction dans plusieurs journaux nationaux et spécialisés.

Enseignements pratiques pour les acteurs du luxe

  • Les entreprises doivent auditer leurs procédures AML et s’assurer de leur mise en œuvre effective ;
  • La conformité réglementaire est essentielle dans un secteur particulièrement exposé au risque de blanchiment ;
  • Les dirigeants eux-mêmes peuvent être tenus responsables et sanctionnés personnellement.

Conclusion : conformité, transparence et vigilance

Ces deux affaires illustrent les risques juridiques et financiers majeurs auxquels s’exposent les acteurs du luxe et de la distribution sélective en cas de manquement à leurs obligations légales.
Elles rappellent l’importance d’une culture de conformité et de gouvernance proactive.


👩‍⚖️ À propos de l’auteur

Me Sabrina Odeyer
Avocate en droit de la distribution, contrats commerciaux et droit de la consommation.
Elle accompagne les marques des secteurs luxe, beauté et mode dans l’audit juridique de leurs pratiques commerciales.

📩 Contact : sodeyer@odeyeravocats.com

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